Les idéaux types de Weber

C'est certainement l'outil méthodologique le plus connu de Weber, mais en quoi consiste-t-il vraiment ?

C'est un outil qui aide à théoriser, imager certains phénomènes, certains faits sociaux. Pour le dire simplement, c'est un modèle stéréotypé qui aide à comprendre le réel.

Il faut entendre par idéal, des caractéristiques qui aide à penser le sujet ou le phénomène. Type, quant à lui renvoie à typique. Pour weber, cela sert à pouvoir imaginer les hypothèses au début d'une enquête de recherche. Ainsi, le chercheur va pouvoir pousser les traits sur certains aspects et en gommer d'autres pour obtenir une utopie, qui l'aidera à conceptualiser.

C'est une technique très efficace lorsque le sociologue est face à un phénomène difficile à conceptualiser et à délimiter par exemple le capitalisme. Grâce à l'idéal type, il va se dégager de grandes tendances, de grandes caractéristiques et cela permettra ainsi au sociologue de pouvoir l'observer plus facilement, que si ce dernier était composé de toute sa nuance.

« On obtient un idéal-type en accentuant unilatéralement un ou plusieurs points de vue et en enchaînant une multitude de phénomènes isolés, diffus et discrets, que l'on trouve tantôt en grand nombre, tantôt en petit nombre, par endroits pas du tout, qu'on ordonne selon les précédents points de vue choisis unilatéralement pour former un tableau de pensée homogène. »[2]

— Max Weber, L'objectivité de la connaissance dans les sciences et la politique sociale (1904)

Comprendre l'idéal type, c'est le comprendre par rapport à l'action sociale, c'est-à-dire par rapport au sens que les individus donnent à cette dernière. Ainsi, il y a quatre sens que l'on peut donner à une action :

1. L'action traditionnelle : elle est souvent présente dans les sociétés traditionnelles. Par exemple le sens donné à la légitimité du roi.

2. L'action affective : elle est irrationnelle car porté par les émotions .

3. La rationalité en valeur : comme son nom l'indique, c'est placer les valeurs au centre de l'action.

4. La rationalité en finalité : ici, l'individu est dans la réflexion, il va examiner les différentes possibilités qui s'offrent à lui .

« On obtient un idéaltype en accentuant unilatéralement un ou plusieurs points de vue et en enchaînant une multitude de phénomènes donnés isolément, diffus et discrets, que l’on trouve tantôt en grand nombre, tantôt en petit nombre et par endroits pas du tout, qu’on ordonne selon les précédents points de vue unilatéralement, pour former un tableau de pensée homogène. On ne trouvera nulle part empiriquement un pareil tableau dans sa pureté conceptuelle : il est une utopie. »

Max Weber, Essais sur la théorie de la science, Paris, Pocket, [1904-1917], 1992, p. 181.

Pour mieux comprendre comment Weber a utilisé l'idéal type, prenons un exemple :

Dans "l'esprit du capitalisme ", il tente de comprendre pourquoi ce modèle économique se développe plus largement en occident. Il se rend alors compte à l'aide de données statistiques que le capitalisme se développe conjointement là où le protestantisme est le plus développé. Mais il est difficile de réussir à observer ces deux grands phénomènes dans leur intégralité. C'est alors qu'interviennent les idéaux types.

Pour cela, weber part de ce qu'il appelle "l'esprit du capitalisme", c'est-à-dire une idéologie fondée sur une vision du travail comme étant salvatrice. L'individu cherchant également à accumuler de la richesse par le travail. Par ses recherches, il démontre que l'esprit du capitalisme a des "affinités électives" avec l'éthique protestante (qui est également un idéal type, qui présuppose que le protestantisme est fondé sur l'accumulation de biens). Ainsi, il a pu construire une théorie selon laquelle le capitalisme se développe dans des lieux où le protestantisme est implanté.

Cette démarche fait partie du "constructivisme", un courant de pensée qui se base sur le fait que le chercheur construit un modèle pour mener sa recherche. Elle est aujourd'hui utilisée dans beaucoup de recherches.

Le type idéal est pour lui un moyen de comprendre le sens que les individus donnent à leurs expériences vécues, ce qui conduit à mettre ces dernières en relation avec l’organisation de la société à un moment historique de son évolution. Définir un type idéal ne signifie pas repérer sa forme majoritaire d’un point de vue statistique, mais discerner à partir des formes historiques des sociétés contemporaines les traits principaux, volontairement simplifiés, qui lui donnent un sens. La démarche que Weber propose n’est pas une fin en soi.

Serge Paugam, « Tableau croisé », in Paugam Serge (dir.), Les 100 mots de la sociologie, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que Sais-Je ? ».

Résumé :

C'est une méthode de recherche mise en avant par Weber. Le but étant de pouvoir étudié un concept social à l'aide de la construction de stéréotypes. Le sociologue met alors en avant certains aspects en en effaçant d'autres, ce qui lui permet de pouvoir se concentrer sur l'important.