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La théorie du carreaux cassé

  • panterjanice
  • 20 févr. 2024
  • 5 min de lecture

C'est en 1982 que l'étude de James Q. Wilson (professeur de science politique) et George L. Kelling (professeur de criminologie) paraît. Dans cette dernière, les deux auteurs tentent de montrer à l'aide de statistique un lien de cause à effet entre la présence de vitré brisées dans certain quartier et le taux de criminalité.


L'important ici, est de comprendre que le fait de ne pas réparer une détérioration dans l'espace public peut entraîner un plus grand nombre de dégradation par la suite, voir des crimes plus grave. En réalité, le fait qu'il y ait un carreau cassé dans un immeuble, et que ce dernier ne soit pas remplacé, envoie le message que le bâtiment est abandonné, et donc qu'il est possible de le détériorer plus encore. Dans cette zone, le comportement social induit est celui de pouvoir avoir un comportement déviant sans pour autant risquer une représaille de la loi.

Il est question ici d'inverser la première intuition, qui est de croire que le sentiment d'insécurité est induit par un taux de criminalité élevé. En réalité, il s'agirait plutôt d'un manque d'entretien de l'espace public qui permettent aux comportements déviants d'exister (en plus d'autres facteurs évidemment). Plus précisément, de l'impact du contexte sur les comportements humain.


Apprenant cette découverte, le psychologue sociale Zimbardo, a tenté une expérience afin de comprendre si en réalité les dégradations avaient un rapport avec le fait de se trouver dans un quartier pauvre. Figurez vous que les dégradations n'ont rien à voir avec le statut social ou la pauvreté, car une même voiture en mauvaise état sera également dégradée peu importe le quartier dans lequel elle se trouve.


"L'idée intéressante est que les individus recherchent des signaux dans l'environnement pour vérifier la présence de normes sociales dans l'environnement et le risque d'être découvert en violant ces normes: l'un des signaux est précisément l'aspect général de la zone." (windowo.fr)


Pour comprendre plus amplement cette théorie, expliquons l'exemple qui est avancé dans le livre Le point de bascule :


Dans son ouvrage, Malcolm Gladwell nous explique son approche pour comprendre le phénomène d'épidémie sociale. Pour lui, l'une des clés de sa théorie réside dans le pouvoir du contexte.





« Selon eux, le crime est l’inévitable conséquence du désordre. Les gens qui passent devant une maison dont une vitre est brisée mais jamais réparée finiront par conclure que personne ne s’en préoccupe ou que personne n’en est responsable. Bientôt, d’autres fenêtres seront fracassées, et le sentiment d’anarchie se répandra dans tout le voisinage, indiquant que rien ne va plus. Dans un contexte urbain, des problèmes relativement mineurs, comme les graffitis, l’agitation publique et le harcèlement des mendiants, encouragent une criminalité plus grave, au même titre que des carreaux cassés. »

L'un des exemples qu'il nous propose, montre comment la prise en charge de la théorie du carreau cassé, peut atténuer très largement les comportements déviants.


Malcolm Gladwell envisage le crime comme une épidémie, qui se développe notamment en fonction du contexte social. Ainsi, comme il l'explique, il paraît insensé de comprendre la baisse du taux de criminalité par un changement de population, dans une même ville, à une même époque, sans changement démographique important. Pourtant, à la fin des années 90, le taux de criminalité avait baissé de 75% dans le métro New-Yorkais.


Bien sûr, cela n'est pas simplement dû à la théorie du carreaux cassés, mais cette manœuvre a permis d'accompagner la baisse du taux de criminalité. Il faut prendre en considération 3 autres points : le commerce du crack a commencé à décliné, il y a eu une reprise économique qui a permis une forte propension d'emploi, et enfin le vieillissement de la population " a eu pour conséquence de réduire le nombre d'hommes âgés de 18 à 24 ans, soit le groupe social responsable de presque toute la violence." Cependant, ces trois points ne touchaient pas New York de manière aussi prononcé que le reste du pays, un autre point doit donc s'ajouter à l'équation.

Cela nous démontre donc, qu'en sociologie, pour expliquer un fait social, il y a bien souvent plusieurs critères qui permettent conjointement de mener à une clarification.


Ainsi, il nous plonge au cœur du métro New-yorkais des années 80, et nous en dresse un portrait peu flatteur : un homme, ouvre le feu en plein métro blessant ses 4 agresseurs. De manière générale, la ville de New-york est dans ses années noires, avec un taux de criminalité extrêmement élevé, que l'auteur qualifie d'endémique (2000 meutres et 600 000 crimes par an). C'est dans ce contexte d'insécurité extrême que les responsables des transports New-Yorkais, tentent un coup de poker pour retrouver une sérénité chez les usagers.

Pour remédier à la "mauvaise" fréquentation du métro, deux principes ont été mis en place et systématisés : Le nettoyage des graffitis et la sanction de tous usagers qui ne payaient pas son ticket de métro.

Malgré la réticence de beaucoup dans la commission, qui pensaient plus opportun de s'attaquer à la fiabilité du réseau, David Gunn, responsable de la supervision des travaux, ce dernier a mis l'accent sur le fait d'effacer totalement les graffitis du réseaux. Pour lui, cela "incarnait la ruine du réseau". C'était un symbole. Pour mener à bien son projet, ce dernier a installé un centre de nettoyage pour tous les wagons, avant qu'ils ne repartent à New-York. Absolument tous les graffitis étaient soit enlevés, soit recouvert de peinture, et pour les wagons qui étaient irrécupérables, devenaient simplement hors service. "Nous n'avons pas lâcher prise, parce que nous voulions qu'ils nous comprennent bien : si vous voulez passer trois nuits à vandaliser un train, c'est votre affaire : mais votre travail ne sera jamais vu à la lumière du jour." Ce nettoyage intensif a duré 6 ans.


En 1990, c'est au tour de Bratton de prendre son poste de chef de la police du réseau. Il s'est alors donné pour mission, de faire payer absolument tous les usagers. Tout comme Gunn avant lui, beaucoup pensaient que cela n'aurait aucun effet, mais pour lui, ne pas imposer à chacun de payer son billet, envoyait le message d'un désordre ambiant. Pour endiguer le problème, il a posté plusieurs policiers en civile à chaque tourniquet, ces derniers arrêtaient tous ceux qui fraudaient, et les menottaient en les laissant à la vue de tous. Les identités de chacun étaient scrupuleusement vérifiées, ainsi, il s'est rendu compte qu'une personne sur 7 faisaient l'objet d'un mandat non exécuté et 1 sur 20 était armé. Les policiers ont donc été motivé par le fait de se dire, que finalement, ceci était un moyen d'arrêter de potentiels criminels.


Une fois Giuliani comme maire de New-York, cette manière d'appréhender la criminalité dans le métro s'est répandue à tout l'espace public, faisant des délits mineurs une priorité pour envoyer un signal fort. C'est ce qui a permis au taux de criminalité de baisser de manière drastique.



« Pour Bratton et Giuliani [les responsables de la commission new-yorkaise des transports de l’époque], une chose est certaine : si le taux de criminalité urbaine et souterraine a chuté aussi rapidement et de façon aussi spectaculaire, c’est que l’on a combattu les délits mineurs, apparemment insignifiants, mais qui sont en fait autant de points de bascule vers la criminalité violente. La théorie du carreau cassé est fondée sur la prémisse selon laquelle une situation peut basculer si on modifie d’infimes éléments de l’environnement. »

Cette théorie est intéressante par le fait qu'elle apporte une nuance aux théories habituelles mettant en avant l'origine sociale de l'individu, économique, son niveau d'étude, son foyer familiale, etc (bien que précisons le, ces éléments sont déterminants dans les comportements déviants d'un individu), il semblerait que le contexte, lui aussi, ait sa par à jouer dans le passage à l'acte.


"Ce n'est pas une personne, mais bien une caractéristique d'un milieu donné qui incite à adopter un certain comportement."
« Le criminel n’est pas un individu isolé, qui agit comme il le fait pour des raisons personnelles, fondamentales et intrinsèques. Au contraire, il est extrêmement sensible à son environnement, très réceptif à toutes sortes de signaux et enclin à commettre des actes répréhensibles suivant sa perception du monde qui l’entoure. »







Sources :


Image par 652234 de Pixabay



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